L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EST-ELLE NATURELLE ?

avec Jean-sébastien Steyer (05/12/2022)


Jean-Sébastien Steyer est docteur en paléontologie, chercheur au CNRS et rattaché au Muséum national d'Histoire naturelle à Paris. Il est l'un des rares spécialistes qui étudient la vie sur Terre avant les dinosaures. Il travaille par ailleurs depuis bientôt une vingtaine d'années sur les reconstitutions d'espèces disparues. Auteur de nombreux articles scientifiques, ce passionné de vulgarisation publie régulièrement des ouvrages qui font rapidement référence comme La Terre avant les dinosaures (2009), Exquise planète (2014), ou encore Demain, les animaux du futur (2015). Il est également, entre deux expéditions paléontologiques aux quatre coins du globe, chroniqueur scientifique pour les revues Pour la science et Espèces.

Conférence : L'intelligence artificielle est-elle naturelle ?
Samedi 7 mai 2022, 16h - 16h45 — Amphi orange

L’IA est l’ensemble des champs disciplinaires dont le but est la réalisation de programmes simulant l’intelligence humaine. Elle est donc au cerveau ce que la robotique est à la main : une tentative de simulation pour résoudre des tâches (robota en tchèque ou task en anglais dans la définition de Marvin Lee Minsky). Même si selon John McCarthy (créateur du terme) l’IA relève plus du jeu (de logique, d’échec etc.) que du labeur, ce domaine reste finalement une extension du cerveau humain. Or ce cerveau a une histoire évolutive et contingente longue et complexe, de plusieurs centaines de millions d’années. Cette histoire, relevée par la paléontologie et la biologie du développement (embryologie), n’est pas souvent intégrée dans les études en IA – bien que le SIGEVO (Special Interest Group on Genetic and Evolutionnary Computation) s’y penche en partie. Mieux comprendre cette histoire permettrait de mieux simuler les interactions complexes du cerveau humain. C’est ce qui est proposé ici : nous plongerons dans l’océan des origines, il y a environ 505 millions d’années (Cambrien moyen), et nagerons avec Pikaia, sorte de limace de mer qui évoque les tous premiers « poissons » présentant un crâne (groupe des « Craniates »), comme c’est le cas de la myxine aujourd’hui (poisson sans mâchoire). En parallèle, l’embryologie nous indique que le crâne n’est qu’une vertèbre antérieure « implosée » comme un popcorn et protégeant ce nœud de neurones qu’est le cerveau. La boite crânienne regroupe aussi l’ensemble des bulbes sensoriels (olfactifs, visuels, nasaux) : l’intelligence, s’il fallait la définir, est aussi question de rapports à l’environnement et aux autres : céphalopodes, insectes sociaux, cétacés, chimpanzés, elle n’est plus ni le propre de l’homme ni même du cerveau puisqu’il y a des neurones dans nos intestins ! Finalement les mécanismes évolutifs en jeu dans l’histoire du cerveau des vertébrés (paléoneurologie) nous permettent de mieux comprendre ce qu’est l’intelligence… et de réaliser que nous tentons de modéliser un concept qui nous échappe.


Partager cette vidéo :

Revenir à la liste de vidéos